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lundi 4 juillet 2011

Prévention du VIH/sida au Tchad: Les médias peuvent aussi contribuer à limiter l’hypersexualisation


(Cet article a paru dans l'édition Printemps 2011 de l'Apostolat International)

L’hypersexualisation des jeunes n’est plus seulement un phénomène occidental; elle est devenue un problème social global menant à des comportements sexualisés de plus en plus précoces. Le volet de prévention radio du projet au Tchad, mené par le CMO en collaboration avec le BELACD de Pala a d’ailleurs été développé en tenant compte de cette problématique, comme nous le verrons plus loin dans cet article.

Le Réseau québécois d’action pour la santé des femmes définit l’hypersexualisation comme étant « caractérisée par la surenchère sexuelle, à la fois dans l’univers médiatique et dans les rapports entre les personnes. À travers les médias, les industries diffusent un modèle de sexualité réducteur qui s’inspire des stéréotypes véhiculés par la pornographie». D’ailleurs, cette pornographisation de notre imaginaire collectif perpétue la vision de l’homme dominateur et de la femme comme objet de plaisir et de séduction. De plus en plus, l’hypersexualisation a un impact inquiétant sur l’apprentissage cognitif, sur l’image corporelle, la santé mentale et physique, ainsi que les attitudes et croyances – et ce, dès le plus jeune âge.

Dans un monde où cette influence fait partie du quotidien pour la majorité des populations, il devient difficile et impopulaire pour les jeunes femmes de négocier une sexualité à moindre risque. C’est pourquoi l’approche préventive du VIH/sida ne s’en tient pas qu’au virus et aux méthodes de transmission, mais à la redéfinition d’une sexualité responsable. Cette responsabilisation vise à aider les jeunes à développer leur sens critique, leur estime et affirmation de soi, leur capacité d’écoute et de dialogue, et à définir leurs propres valeurs et limites. Cette forme de prévention invite les jeunes à voir au-delà de l’imaginaire collectif hypersexualisé, à se valoriser et à se responsabiliser.

Néanmoins, il est important de reconnaître que malgré cette réalité, les médias peuvent aussi avoir un effet positif lorsqu’ils sont utilisés comme outils de prévention, diffusant un message qui va à l’encontre du courant populaire souvent critiqué. Bien qu’il soit difficile de désancrer une société (très influençable dans le cas de la jeunesse) de son imaginaire collectif, il est possible de faire valoir les alternatives, les valeurs personnelles et le sens critique.

C’est dans cette optique que s’est développé le volet de prévention radio du projet au Tchad, mené par le CMO en collaboration avec le BELACD de Pala. Le programme de prévention utilise la station de radio Terre Nouvelle de Bongor, qui compte des auditeurs partout au Mayo Kebbi. Depuis que le projet a été mis sur pied il y a deux ans, de nombreuses émissions, discussions et « spots » radiophoniques ont été diffusés régulièrement afin de sensibiliser la population cible, soit les jeunes du Mayo Kebbi Est et Ouest, à la Vie et à l’Amour. L’approche fait valoir l’importance d’harmoniser le fonctionnement de la tête, du cœur et du corps de la personne – ces trois éléments fonctionnant ensemble pour permettre de vivre librement et de façon responsable, ce qui implique le respect de soi-même et d’autrui.

Bien que des conditions de pauvreté extrême engendrent parfois aussi des comportements sexuels dangereux et précoces chez les jeunes, il n’en demeure pas moins important de responsabiliser. La sensibilisation met l’emphase sur la capacité de contrôler ses choix, de ne pas être esclave de sa vie. Diffusées dans les médias radiophoniques, ces options responsables peuvent graduellement être assimilées dans l’imaginaire collectif, et donc avoir un impact direct sur la réalité des personnes en s’intégrant à leurs choix de vie.

Une autre initiative d’une envergure importante met en valeur les médias à travers les efforts des jeunes, et met les jeunes en valeur à travers les médias. Scénarios d’Afrique est un projet de mobilisation communautaire et d'éducation sur le VIH/SIDA. Le projet, qui a déjà rejoint plus de 145 000 jeunes dans 47 pays d’Afrique depuis plus de 10 ans, offre aux jeunes une opportunité passionnante de s'éduquer et d'éduquer les autres sur le VIH/SIDA en les invitant à participer à la production d'une série de films avec des cinéastes de renommée mondiale. Les courts-métrages tentent en quelque sorte d’influencer l’imaginaire collectif des jeunes en valorisant et en popularisant la sexualité responsable et l’affirmation de soi et de ses propres valeurs. Les films sont ensuite diffusés sur les chaînes locales dans presque tous les pays de l’Afrique subsaharienne. Les films sont également regroupés dans des coffrets DVD à l’usage des écoles ainsi que des organisations communautaires et internationales. Scénarios d’Afrique est coordonné par Global Dialogues, un organisme britannique à but non lucratif qui se consacre à promouvoir l'excellence dans le domaine de la sensibilisation du VIH/sida.

Il n’y a donc pas que l’école pour influencer l’apprentissage cognitif : les messages et comportements transmis dans la culture populaire et les courants sociaux sont souvent plus facilement adoptés, et plus difficiles à contrôler. C’est pourquoi les approches éducatives diffusées par les médias populaires peuvent être d’importants outils pour la sensibilisation des jeunes, et éventuellement pour la promotion de comportements responsables. Combattre le feu par le feu !

Au Québec comme au Tchad: l'empowerment plutôt que les médicaments

(Cet article a paru dans l'édition Hiver 2011 de l'Apostolat International)

Le 1er décembre dernier, la vingt-deuxième Journée mondiale de lutte contre le VIH/sida venait nous rappeler le slogan de la Campagne mondiale 2001-2010 de l’Organisation mondiale de la Santé contre le SIDA : Stop SIDA. Tenons notre promesse.

À la même date, en 2005, M. Kofi Annan, alors Secrétaire Général de l’ONU, déclarait qu’il y avait eu d’importants progrès dans la lutte contre le VIH/sida dans presque toutes les régions du monde. Cependant, M. Annan constatait également que le temps était venu de reconnaître que l’action menée n’était pas suffisante pour réaliser l’objectif du Millénaire : avoir stoppé la propagation du VIH/sida d’ici à 2015. «Cette mission est l’affaire de chacun d’entre nous, affirmait M. Annan... stopper la propagation du sida n’est pas un objectif du Millénaire comme les autres, c’est une condition indispensable pour atteindre la plupart des autres objectifs du Millénaire. »

Maintenant, plus qu’à mi-chemin entre cette déclaration et l’année 2015, il est important de maintenir un regard critique, non seulement sur les actions de la communauté internationale, mais aussi sur les actions locales et nationales en matière de prévention et évolution du VIH/sida.

En suivant l’évolution du projet que réalise depuis 2009 le CMO, en partenariat avec l’ACDI, à Pala au Tchad, nous avons constaté que le VIH/sida est une réalité qui affecte de nombreuses personnes des deux sexes, touchant tous les groupes d’âge et tous les niveaux socioéconomiques. C’est le cas pour plusieurs pays en voie de développement, bien que la situation s’améliore graduellement grâce à l’intensification des actions de sensibilisation et de suivi médical. Malgré les différences socio-culturelles, la nouvelle approche québécoise de prévention s'apparente, à celle du programme d’Éducation à la Vie et la l’Amour (EVA), au coeur de notre projet au Tchad.

Au Québec cependant, le VIH/sida est surtout connu sous un autre angle, associé principalement (mais non exclusivement) aux homosexuels et aux toxicomanes. Le discours et l’évolution de la maladie sont donc différents que dans les pays en développement.

Dans son dossier VIH/sida (Décembre 2010), le magazine Fugues qui s'adresse à la communauté gaie de Montréal nous apprend qu’en Amérique du Nord et en Occident, on observe, après un répit, une augmentation des infections dans la population gaie chez les jeunes... et les moins jeunes. Dans un article d’André C. Passiour, le Dr. Réjean Thomas, président de la clinique médicale l’Actuel, affirme que la discrimination envers les homosexuels est problématique. Le même article souligne que, selon les données de l’Actuel des deux dernières années, il y a une baisse du taux d’infection chez les toxicomanes, et une hausse chez les gais de 30 à 34 et de 45 à 54 ans. «Il faut œuvrer à contrer la discrimination, l’homophobie, la stigmatisation, entre autres, qui empêchent encore des hommes gais d’aller se faire dépister », affirme le Dr. Thomas. Dans ce combat, le dépistage est crucial. On estime en effet qu’au Canada et aux États-Unis, environ 25% des personnes séropositives ne savent même pas qu’elles le sont.

Dans un autre article de Fugues, Passiour souligne une autre problématique ayant pu contribuer à cette hausse du taux d’infection: la banalisation du VIH/sida causée par la réussite de la trithérapie. Le VIH/sida est passé de maladie mortelle à maladie chronique. « On a baissé la garde, écrit Passiour, il y a eu une banalisation dans la société générale [au Québec] et dans la communauté gaie en particulier ». Le Dr. André Dontigny, directeur de la Direction du développement des individus et de l’environnement social au ministère de la Santé et des Services sociaux, en témoigne : «Ce fut un gain, on a amélioré la vie des gens, mais cela a entraîné une augmentation des infections ».

Au cours des dernières années au Québec, la prévention a été repensée, visant l’empowerment à travers de nouveaux outils incluant le dépistage et le réseautage. Cette nouvelle approche est mise en valeur dans un autre article de Fugues, signé par Michel Joanny Ffurtin. « Les interventions ne sont donc plus informatives ou médicales, mais visent désormais l’amitié et le cadre social, le suivi médical et les conditions psychologiques, les pratiques sexuelles et la capacité de dire «non», sa conscience personnelle et la connaissance de son statut sérologique», écrit Ffurtin.

Un autre article de Passiour insiste sur l'importance de promouvoir une conscience personnelle, un respect de soi et des autres. Patrick Berthiaume, professionnel au ministère de la Santé et des Services sociaux, explique l’importance de l’amour dans le discours de prévention du VIH/sida. « Faire l’amour implique d’être plus bienveillant envers soi-même et envers l’autre, explique-t-il. Aujourd’hui, il y a une grande part d’anonymat dans la sexualité. Il faut chercher une manière de valoriser la responsabilité envers soi-même et envers les autres, car, en termes de santé publique, cela influe sur la santé sexuelle».

Le parallèle est clair entre l’approche québécoises des dernières années et celle du programme d’Éducation à la Vie et la l’Amour (EVA), au centre des efforts de prévention de notre projet au Tchad. Bien que l’évolution du VIH dans ces deux régions ait suivi un parcours différent, le Québec et le Tchad semblent liés par une approche de prévention holistique axée sur l’autodétermination et la sexualité responsable: enseigner à «aimer», à se respecter soi-même et les autres est une approche qui a des retombées importantes et efficaces.

Quelle que soit la raison de l'adopter, cette approche de prévention nous rappelle que même si la trithérapie permet aux séropositifs de mieux vivre (lorsqu’accessible) il faut éviter la banalisation de VIH qui mine les efforts déjà entrepris. Chaque personne a le devoir de connaître sa sérologie: mieux vaut prévenir que… soigner. Rappelons-nous que le VIH/sida ne se guérit toujours pas!