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mardi 28 février 2012

La santé et les inégalités entre les sexes : le cas du VIH/sida au Tchad

(Cet article a paru dans l'édition Automne 2011 de l'Apostolat international)

Parmi les facteurs pouvant expliquer la pandémie de VIH/sida en Afrique se trouvent les inégalités entre les sexes : « [elles] augmentent la vulnérabilité des femmes et des filles au VIH, amoindrissent les effets des stratégies de prévention du VIH, et constituent des obstacles à l’efficacité du traitement et des soins dans le domaine du VIH ».[1] Ce constat, formulé par l’ONUSIDA et l’Organisation mondiale de la santé, rejoint les conclusions d’études menées par d’autres organisations internationales.

Le 1er novembre dernier, le World Economic Forum, une organisation internationale indépendante qui cherche à améliorer l’état de la planète en encourageant la collaboration des divers secteurs de la société, a publié son rapport annuel portant sur les inégalités entre les sexes. Ce rapport, publié pour une sixième année consécutive, présente la situation des inégalités entre les sexes en se basant sur quatre indicateurs principaux : la participation à la vie économique, l’éducation, la santé et l’empowerment politique.

En tenant compte de ces quatre indicateurs, les pays qui rendent leurs données disponibles font annuellement l’objet d’un classement mondial. Selon le classement de 2011, le Tchad occupe l’avant-dernière place, tout juste après le Pakistan et avant le Yémen. Depuis 2006, le Tchad est graduellement passé du 113e au 134e rang.

Dans le domaine de la santé, plusieurs données dressent un portrait général de la situation du VIH-Sida à travers le pays. Ainsi, la prévalence du VIH est de 4 % chez les femmes âgées de 15 à 49 ans, tandis qu’elle est de 2,7 % chez les hommes du même âge. À titre comparatif, le Canada présente une prévalence du VIH de 0,1 % chez les femmes et 0,5 % chez les hommes.

Malheureusement, les données ne sont pas plus encourageantes en ce qui concerne les comportements pouvant prévenir la propagation du VIH. En effet, 97 % des femmes mariées ne font pas usage de la contraception et 61 % des femmes enceintes n’ont bénéficié d’aucun suivi médical pendant leur grossesse. Ces comportements font tristement partie de ceux qui favorisent la transmission du virus entre les conjoints, de même qu’entre la mère et son enfant.

À la lumière de ces données, il est possible d’interpréter les statistiques compilées par le BELACD dans le cadre des activités de prévention et de suivi médico-social au Centre Greth Marty, construit à Pala avec l’appui du CMO et de l’ACDI. Comme cela a déjà été indiqué dans un article précédent, la culture locale influence grandement les attitudes des malades à l’égard du VIH/sida. Les hommes, moins enclins se soumettre à des tests de dépistage sur une base volontaire, attendent généralement d’être gravement malades avant de se présenter dans une clinique; le plus souvent, les encouragements du personnel médical sont nécessaires pour les convaincre de se soumettre à un test de dépistage. L’équipe soignante du Centre Greth Marty explique cette réalité par les mentalités locales, selon lesquelles les femmes demeurent la cause de la maladie.

Or, le Centre Greth Marty constate maintenant, deux ans et demi après le lancement du projet à Pala, que les attitudes sont en train de changer progressivement. Les sessions de formation du programme Éducation à la Vie et à l’Amour (EVA), tenues auprès des jeunes des écoles et des paroisses de la région, semblent commencer à porter fruit. Dans le cadre de ces sessions, les jeunes sont notamment informés de l’impact du VIH/sida sur la vie des personnes qui en sont atteintes, de même que des comportements sexuels responsables qui peuvent freiner la propagation du virus. Jusqu’à maintenant, plus de 27 000 jeunes ont assisté à cette formation et près de 132 000 sont maintenant informés des moyens à prendre pour se protéger des diverses infections transmises sexuellement et du VIH/sida. L’équipe médicale note aussi que plusieurs jeunes hommes qui ont suivi la formation EVA se présentent volontairement pour passer un test de dépistage. Le nombre de dépistages et de personnes atteintes du VIH/sida suivies par le Centre Greth Marty s’accroît légèrement et régulièrement au fil des mois.

Évidemment, il est impossible de changer radicalement les mentalités et de renverser complètement la situation en quelques années, vu l’ampleur de la pandémie de VIH/sida au Tchad. Il s’avère néanmoins encourageant de constater que la mise sur pied d’une clinique vouée à la prévention et au suivi de la maladie dans une région auparavant dépourvue d’un tel service à proximité permet d’améliorer progressivement la situation. En effet, c’est notamment par le biais des formations EVA que le personnel médical contribue à modifier certaines idées préconçues qui entretiennent les inégalités entre les sexes. Il reste maintenant à espérer que les efforts du Centre Greth Marty, joints à d’autres initiatives à l’échelle nationale, permettront de mieux lutter contre les inégalités et contre le VIH/sida.

jeudi 23 février 2012

Le Sida : plus grave chez les femmes

(Cet article a paru dans l'édition Été 2011 de l'Apostolat international)

« Une moitié de l’espèce humaine est hors de l’égalité, il faut l’y faire rentrer : donner pour contrepoids au droit de l’homme le droit de la femme. » Au 19e siècle, Victor Hugo, parmi tant d’autres qui l’ont précédé et succédé, réclamait l’égalité entre les sexes dans ses discours et déclarations publiques. Les siècles avancent, et bien que le mouvement d’égalité entre les sexes progresse à l’échelle globale, certaines régions du monde demeurent affligées par l’inégalité de la femme. « Les femmes continuent d'avoir moins de droits, moins d'éducation, une moins bonne santé, moins de revenus et un accès moindre aux ressources et à la prise de décisions que les hommes, » affirme l’Agence canadienne de développement international (ACDI).

En Afrique subsaharienne, cette inégalité est apparente lorsqu’on évalue l’état de la pandémie du VIH/sida, qui affecte beaucoup plus de femmes que d’hommes, et ce, en s’aggravant. Dans cette région du monde en 1985, il y avait autant d’hommes infectés par le VIH que de femmes. En 2009 par contre, il y avait environ 8.2 millions d’hommes séropositifs et 12 millions de femmes, ce qui témoigne de l’important désavantage des femmes de l’Afrique Subsaharienne face à cette épidémie. Selon le Global AIDS Report 2010 produit par ONUSIDA, les nouvelles infections du VIH chez les femmes de 15 à 24 ans comptent pour 26 % de toutes les nouvelles infections globalement. De plus, le VIH/sida est la principale cause de décès des femmes en âge de reproduction.

Des facteurs biologiques rendent les femmes deux fois plus à risque de contracter le VIH durant les relations sexuelles, mais d’autres facteurs importants, tels que la pauvreté, les pesanteurs socioculturelles, le mariage forcé, la prostitution, la soumission de la femme, la faible protection juridique (et la liste est longue…), contribuent à la vulnérabilité de la femme et alimentent la difficulté d’éviter les situations risquées.

À la lumière de ce problème, le Centre Greth Marty, construit dans le cadre du projet du CMO en partenariat avec le BELACD de Pala et l’ACDI, offre des services orientés vers la responsabilisation, la formation, l’appui, le traitement et le suivi des personnes vivant avec le VIH (PVVIH). Visant particulièrement une meilleure prise en charge médicale et sensibilisation des femmes et des filles, les objectifs du projet ont été établis différemment pour les hommes et les femmes. Le tableau suivant illustre la façon dont les objectifs sont établis par genre, et l’importance qui est accordée à l’amélioration des conditions de la femme face au VIH/sida, afin de remédier à la présente situation alarmante.

Tel que l’on peut le constater, le Centre Greth Marty a grandement surpassé la cible du nombre de consultations par an, encore plus chez les femmes que chez les hommes. Le nombre très élevé de femmes qui consultent indique un succès incroyable du programme de prévention, qui attire l’attention des femmes à l’importance du dépistage. Le projet avait pour objectif de former 15 150 personnes au programme préventif d’Éducation à la Vie et à l’Amour (EVA) d’ici 2012, et en mars 2011, déjà plus de 35 000 personnes, dont près de 20 000 femmes et jeunes filles, avaient reçu cette formation.

Bien que ce progrès soit encourageant, on peut noter que très peu de femmes PVVIH sont suivies au Centre Greth Marty, ce qui peut signifier que les femmes consultent annuellement, mais ne sont pas disponibles ou disposées à être suivies sur une base régulière. Serait-ce dû à une charge trop lourde de travaux ménagers et familiaux, ou à des empêchements imposés par des mœurs socioculturelles et relationnelles? La soumission de la femme serait-elle omniprésente au point de priver certaines femmes d’un suivi adéquat de l’épidémie?

Malgré le manque de suivi des femmes PVVIH, les résultats obtenus jusqu’à présent démontrent que beaucoup plus d’hommes bénéficient d’un suivi régulier. Quant au nombre de PVVIH sous ARV, les résultats sont autant plus dramatiques, surtout chez les femmes, qui ont vu entre 2008 et 2011 une diminution de 7% du nombre de PVVIH sous ARV. Puisque les ARV sont offerts gratuitement au PVVIH suivis au Centre Greth Marty, le manque de ressources financières ne peut être la cause principale de cette situation encore critique.

Un des graves problèmes est que la mentalité de certains change très lentement, malgré les efforts de prévention et sensibilisation. Le personnel du Centre Greth Marty a informé le CMO que les hommes ne semblent aller au Centre Greth Marty que lorsque la maladie est avancée. Ceci expliquerait pourquoi beaucoup d’hommes PVVIH bénéficient d’un suivi régulier, mais que la proportion d’hommes qui consultent par an n’est pas aussi élevée, car les hommes portent moins attention à la prévention que les femmes. Comme l’explique un membre du personnel médical du Centre, il y joue la culture et la mentalité qui veut que la cause de la maladie soit les femmes. Bien que les femmes semblent plus orientées à la prévention, les comportements divergents des hommes et des femmes demeurent dangereux, puisque les hommes qui ne connaissent pas leur statut sérologique peuvent continuer à propager le virus.

Puisque le volet préventif du projet est d’une importance majeure, le nombre de consultations par an est donc un important indicateur du succès de cette campagne, qui a pour objectif entre autres le dépistage régulier. Mais bien avant de devoir attendre les données du Centre Greth Marty, qui font ressortir certaines problématiques parfois trop tard, il est important de mesurer l’impact qualitatif du volet préventif. Pour ce faire, un questionnaire a récemment été conçu afin de mesurer la qualité des informations retenues par les bénéficiaires (jeunes, enseignants, leaders de la communauté) durant les formations offertes dans le cadre du projet. L’objectif est de faire une étude qui puisse vérifier l'utilité des activités de sensibilisation de la population face au VIH/sida, et d’obtenir plus de données de base afin de mieux programmer les activités futures. Des entrevues individuelles avec les PVVIH qui fréquentent le Centre seront également réalisées afin de pouvoir obtenir leurs témoignages et commentaires. Grâce aux informations recueillies, il sera possible de compiler des statistiques semestriellement. Ces statistiques permettront la production d’un rapport qualitatif global qui inclura les témoignages des PVVIH. L’amalgame d’efforts visant la diminution du VIH/sida au Mayo Kebbi reste sensible au besoin d’une approche spécifique au genre, et adresse le désavantage des femmes dans cette épidémie sans négliger pour autant les hommes et les jeunes, qui dû à des facteurs socioculturels, affectent autant le sort des femmes que le leur.